Les effets de la crise sanitaire sur les musées de Bourgogne-Franche-Comté. Partie 5 : Quelle réouverture pour les musées ?

Les inquiétudes de plusieurs musées exprimées à la suite du confinement du 17 mars au 11 mai 2020 ont conduit la Délégation régionale Bourgogne-Franche-Comté de la Fédération Patrimoine-Environnement à lancer une enquête en avril 2020 auprès d’un échantillon représentatif de 126 musées, afin d’avoir une vision sur les difficultés, mais aussi sur les besoins. Les 41 % de réponses ont donné lieu à une synthèse diffusée en date du 22 mai 2020.

La crise sanitaire se poursuivant, nous avons procédé à une nouvelle investigation, à partir du même échantillonnage, en reprenant majoritairement le même questionnaire, actualisé des interrogations apparues depuis l’année passée. Le taux de réponses est de 86,5 %, témoignant d’un besoin évident de s’exprimer sur « l’état de l’union », en profitant de l’enquête pour faire part de ses inquiétudes et de ses attentes, voire de ses aspirations.

La situation d’aujourd’hui, avec ses incertitudes, un manque de visibilité évident souvent reproché aux décideurs publics, rend plus nécessaire encore un cadrage politique qui permette le fonctionnement des musées tout en s’inscrivant dans la réussite de la lutte contre le virus.Musée de Bibracte DR

La richesse de la présente démarche tient non seulement à un taux de réponses rarement atteint, mais aussi à la diversité des répondants, par leur statut, leur taille, leur type d’activités, leurs équipements, leur attractivité.

C’est, à notre connaissance, la seule enquête qui se soit adressée à tous les musées quels que soient leur taille, leur objet, leur fréquentation, les services offerts et les équipements.

Les contacts directs avec plus de 90 % des répondants nous confortent sur notre absolu devoir de ne pas négliger ceux que l’on pourrait qualifier de « petits musées ». Forte est la tentation centralisatrice de s’intéresser aux grands porteurs culturels « en agglomération » et d’oublier les territoires ruraux ou de bourgs et petites villes qui paraissent moins essentiels, parce qu’ils sont moins identifiables, moins connus et sans relais réel.

Nous souhaitons que l’éclairage donné par cette consultation puisse constituer des éléments de base avant décisions à venir concernant ces activités qui ne sont pas que culturelles et qui devront être prises au plus haut niveau.

De quoi et de qui parle-t-on ?

L’éventail des musées ayant répondu est très large. Il comprend de grands musées, comme ceux de Dijon, Besançon, Belfort, Sens, Chalon-sur-Saône, Autun, Nevers, Bibracte, des musées labellisés «Musée de France», «Maisons des illustres» ou «Ethnopôles», des écomusées… mais aussi de très nombreux musées plus modestes, sans aucun label, comme l’étonnant Musée de la Pince au Pays Horloger du Haut-Doubs. Sur l’ensemble des répondants, la fréquentation moyenne est de 15 000 visiteurs par an. Notons que 74 % sont situés dans des communes rurales ou dans de petites villes ayant moins de 20 000 habitants. Avec une moyenne de 8 700 visites annuelles, ils accueillent la moitié des visiteurs de l’ensemble recensé. Enfin, pour compléter la présentation, il faut savoir que 55 % sont dans des communes inférieures à 5 000 habitants et accueillent 33 % des visiteurs.

Les musées sont majoritairement bien équipés (voir l’analyse détaillée en partie 2 de l’enquête) ; ils offrent un accueil de qualité, tant par les conditions matérielles de la visite que dans l’accompagnement culturel.

Ils sont fortement présents dans les territoires ruraux. C’est une donnée d’aménagement et d’animation des territoires que l’on pourrait très probablement mieux utiliser. Nous sommes en présence d’un équipement culturel qui ne fait pas partie naturellement des atouts que l’on promeut. Il est peu intégré à la vision d’un développement rural. Or, l’enquête montre qu’avant la crise sanitaire, les sites «ruraux» enregistraient des hausses significatives de fréquentation. 33 % avaient une fréquentation en hausse et 86 % étaient en hausse ou stables. Il conviendrait de
regarder davantage ces musées comme des instruments culturels, patrimoniaux et artistiques, assurant une large présence culturelle dans les zones rurales comme dans les villes de toute taille, mais faisant aussi partie des moyens de valorisation pour aider au développement économique rural et donner une vision plus dynamique et attractive des territoires ruraux.

Sur l’impact de l’année 2020 : Les mesures administratives prises au cours de l’année 2020 pour combattre la pandémie ont bien évidemment conduit à une nette baisse des revenus par les entrées des musées, toutes catégories confondues (hors gratuité habituelle). Elle oscille entre 50 % pour les grands musées à 60 % pour les plus petits, quel que soit le statut, public, associatif ou privé.

Plusieurs musées ont dû mettre leurs activités en sommeil pour éviter la fermeture définitive. Les deux tiers étant tournés vers les écoles, les mesures appliquées aux scolaires ont nettement mis en danger plusieurs d’entre eux.

Une faible part a recouru au chômage partiel, principalement des musées associatifs.

La grande majorité s’est mobilisée pour repositionner les offres au public, communiquer davantage pour continuer d’exister, dans l’espoir d’une réouverture future, et parfois se rappeler aux collectivités qui semblaient les oublier. En illustration (anecdotique ?) : certains ont fabriqué du pain, des gaufres, des pizzas, pour maintenir un lien avec l’extérieur. Près de la moitié a monté des expositions temporaires et ainsi préparer 2021. Après l’inquiétude de mars 2020 et même si elle reste présente aujourd’hui, chacun a cherché à sauver son activité, quel que soit son statut : imagination, travail sur les modes de fonctionnement, réflexion-action sur la communication (contenus et modalités), mise en place d’expositions temporaires réaffectables aux conditions encore inconnues de 2021, toutes activités auxquelles il faut ajouter les tâches de conservation qui restaient et restent indispensables.

Dans la discrétion, les équipes de musées, petites ou grandes, ont réalisé un remarquable travail pour maintenir une activité en 2020, sauver leur musée pour plusieurs d’entre eux, notamment en tentant d’anticiper sur ce que sera 2021. Plusieurs témoignages font état d’une grande fatigue physique et intellectuelle de tous, personnels et encadrement, qu’il sera nécessaire de prendre en compte si l’on veut pouvoir compter sur ces forces opérationnelles de notre culture.

En ce début d’année 2021, plusieurs inquiétudes sont exprimées lors de cette enquête :

En premier, pour les musées associatifs et privés, vient la crainte d’une fermeture en l’absence de visibilité sur 2021. Un musée évoque 100 % de pertes financières, ayant dû réaménager ses horaires et ouvrir gratuitement pour attirer un plus grand public.

En second, le peu d’aide de la Région laisse dubitatif plusieurs musées associatifs sur l’intérêt qu’ils représentent pour ces responsables. La crainte d’un désengagement de l’État auprès des collectivités territoriales accentue cette préoccupation concernant l’incidence de ces mesures sur les subventions et les budgets culturels.

Plusieurs remarques portent sur les ruptures socio-économiques, toutes en lien avec l’activité des musées, résultant de :

  • la fermeture des cafés, restaurants, hôtels essentiels pour attirer un public dans l’espace rural ;
  • l’absence des manifestations rurales (marchés, vide-greniers, foires, fêtes locales,
    concerts…) qui ont écarté des petits musées de campagne de possibles visiteurs;
  • l’incompréhension de la prolongation de la fermeture des musées, face aux commerces (où le risque sanitaire est souvent plus élevé) et aux autres établissements culturels ouverts (bibliothèques, archives, qui peuvent proposer des expositions à leurs lecteurs).

Sur les mesures immédiates, les musées affirment avoir besoin des aides suivantes :

  • Une aide au maintien des emplois pour 15 %, notamment pour faire face à la reprise qu’ils espèrent en 2021 ;
  • Une aide en matière de communication, notamment pour être relayés sur les réseaux sociaux et sur des plateformes officielles ;
  • Une recherche de mécénat ;
  • Une aide scénographique (13 %) ;
  • Une aide à une adaptation des locaux aux mesures sanitaires (jauge, flux des visiteurs, gestion des entrées, vestiaire, accès aux toilettes, fourniture de masques et de gel…) ;
  • La création d’un lieu de partage et de coaching qui ne semble pas exister aujourd’hui.

Sur les instruments de la réouverture : Les musées sont majoritairement défavorables à des conditions d’ouvertures liées à un passeport sanitaire, mais ils sont plutôt favorables à la tenue d’un registre des visiteurs.

Pour lire l’ensemble de l’enquête

Partie 2 : Avant la crise

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