À Lugny, petite capitale du Haut-Mâconnais, est visible un solide pont de pierre à arche unique datant des premières années du XIXe siècle. Long de 12,30 mètres, il enjambe l’Ail, affluent de la Bourbonne (1), à l’est du bourg, au bas de la route de La Garenne menant au hameau de Macheron et, par delà, au village de Montbellet et à la Saône.
Le 22 juin 1806, le conseil municipal de Lugny, réuni en séance, s’était déclaré favorable aux plans et devis dressés par l’ingénieur des ponts et chaussées Vaillant pour construire un « pont sur le ruisseau à l’entrée de Lugny, au bas de la montée dite des Tilles », ajoutant : « Considérant que le pont dont il est question est d’une très grande utilité pour cette commune ainsi que pour toutes les communes du canton ayant des relations d’affaires avec celle de Lugny, et considérant aussi qu’il n’y a qu’un seul moyen d’abattre la montée que l’on ne parvient à gravir avec les voitures chargées qu’avec grande difficulté, considérant d’un autre côté que c’est le seul endroit où l’on puisse passer pour aller à la Saône puisque ce pont traversera la grande route tendant de Lugny aux portes de Jean-de-Saône et Fleurville, les deux portes les plus marchandes et les plus fréquentées de ce canton, le conseil [ …] vote pour la construction de ce pont. »
Si cette route est très secondaire de nos jours, elle fut longtemps l’une des principales voies d’accès à Lugny. La route dite autrefois « de Saint-Oyen à Lugny » – que les comtes de Montrevel (2), seigneurs barons de Lugny, firent réparer dans la première moitié du XVIIIe en liaison avec les États du Mâconnais – venait en effet de la Saône en ligne droite… Elle ne sera supplantée que par l’aménagement d’une voie nouvelle : le chemin de grande communication n° 55 (3), créé dans la seconde moitié du XIXe siècle pour rejoindre, sur la ligne ferroviaire Paris-Lyon-Méditerranée, la « station » de Pont-de-Vaux-Fleurville (chemin que « longera » à partir de 1900 la ligne de chemin de fer Mâcon-Fleurville via Lugny (4), voie métrique empruntée par un « tacot » à vapeur).
Voilà qui explique le soin apporté à la construction de cet ouvrage bien appareillé, simple mais soigné, ayant 3,60 mètres d’ouverture et environ 2 mètres de tirant d’air. Une moulure saillante, en « boudin », souligne la base des parapets (hauts de 85 cm), que protègent à chaque entrée du pont deux bornes faisant office de chasse-roues. Côté sud, une pierre du parapet porte une inscription (5) donnant une date (20 mai 1811) et le nom du maire qui, à cette époque, dirigeait l’administration de la commune, érigée en chef-lieu de canton en 1790 : le notaire Claude-Melchior-Esprit Alabernarde (1761-1837), maire de Lugny du 7 messidor an XIII (26 juin 1805) au 24 juin 1814.
À noter : ce pont dont les parapets surplombent de plusieurs mètres la rivière qu’il enjambe est « complété » par une « levée de terre » longue de 250 mètres qui a permis, d’une part, de mettre hors d’eau cette importante voie de circulation rendue impraticable en période de crues et, d’autre part, de faciliter la circulation en atténuant la pente.
© Pour l’association Lugny Patrimoine : Frédéric Lafarge (mars 2020).
(1) : Affluent de la rive droite de la Saône.
(2) : Plus précisément Melchior-Esprit de La Baume (1679-1740), treizième comte de Montrevel et seigneur de Lugny.
(3) : Actuelle route départementale 55.
(4) : Exploitée par la Compagnie des chemins de fer d’intérêt local de Saône-et-Loire.
(5) : La première ligne, très effacée, est illisible.